La mondialisation au cœur du processus de propagation du Covid-19.

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Cette analyse a été réalisée par Diane Quenault de St Sulpice, Directrice de Marché Creditsafe, à partir de l'article de Dominique Strauss-Kahn "L’être, l’avoir et le pouvoir dans la crise" paru le 05 avril 2020 sur le site internet Politique Internationale

Quelles conséquences sur l'économie, le commerce international et les entreprises ?

« Nous n’avons jamais vu l’économie mondiale s’arrêter net »

Si la crise actuelle est de prime abord très différente, la vitesse de propagation de cette maladie a joué un rôle. Nous avons basculé du stade "Epidémique" à celui de "Pandémie".

On comprend bien que la mondialisation marquée par l’accélération de la circulation des personnes est au cœur du processus de propagation.

Ce qui a joué également dans le processus de propagation c’est :

  • le délai de réaction des pays développés, dont les systèmes de santé ont été rapidement submergés,
  • le défaut de prévoyance et une confiance – infondée – dans la capacité des systèmes sanitaires à protéger massivement leur population tout en s’approvisionnant en matériel de protection et en tests de dépistage au fil de l’eau, auprès de fournisseurs étrangers, majoritairement chinois,
  • l’absence d’un département dédié à la gestion des maladies infectieuses capable, notamment, de déployer rapidement des applicatifs de gestion et de partage de données sur les patients infectés. 


Tout est une question de réactivité, c’est-à-dire capable de réorienter son offre et de mobiliser des réserves prédéfinies et recensées. Cette agilité, il semblerait bien qu’elle nous ait fait défaut.

Je profite pour faire un parallèle avec le monde de l’entreprise – si nous transposons cette analyse et retenons les points clés :

  • Réactivité – corrélation entre réactivité et capacité de rebond – Les entreprises les plus réactives affichent une capacité de rebond supérieure à celle qui ne s’adaptent pas, ne se réorganise pas, ne se transforme pas.
  • Confiance – Confiance dans les relations d’affaires avec les clients et également avec les fournisseurs.
  • Organisation – planification – capacité d’adaptation.
  • Information et solution – évaluer, analyser la solvabilité, la capacité de rebond, le comportement de paiement, l’intégrité …. Des tiers avec lesquels vous engagez votre entreprise.

Ainsi, de par l’ampleur de la crise sanitaire, nous ne pouvons plus ignorer le caractère global et absolu de cette pandémie.

Pourquoi global ? Par le nombre d’individus confinés qui est deux fois plus important que la population mondiale totale lors de l’épisode de grippe espagnole (1919)

Pourquoi absolu ? Parce qu’aucun individu ne peut se considérer comme étant à l’abri du risque de contamination.

La « valeur » de la vie humaine a considérablement augmenté dans l’inconscient collectif des pays les plus riches. Or aujourd’hui, nous reprenons conscience de la précarité de l’être. Cette crise de l’être aura certainement des conséquences considérables qu’il est peut-être trop tôt pour aborder ici, mais elle est aussi révélatrice d’une crise de l’avoir et d’une crise du pouvoir dont l’analyse est nécessaire pour guider les décisions à prendre.

Et encore une fois, c’est transposable et adaptable à l’échelle de l’Entreprise.

Chapter 1

Une crise de l'avoir

Comme nous venons de le voir, cette crise économique est sans précédent, son caractère systémique lui confère la particularité de mêler un choc sur l’offre et un autre sur la demande.

Nous pouvons difficilement éviter les conséquences en termes d’emplois du choc sur l’offre ET 2020 pourrait voir la consommation et l’investissement se contracter violemment.

image frise article mondialisation

Le choc sur la demande a évidemment plusieurs causes qui se cumulent : « mes dépenses sont vos revenus ».

illustration article mondialisation

Par conséquent, à court terme, les pertes sont inévitables.

  • Aux États-Unis, il n’aura fallu que quinze jours pour que près de 10 millions d’Américains se retrouvent au chômage.
  • En Europe, 900 000 Espagnols ont déjà perdu leur emploi.
  • En France, l’INSEE estime qu’un mois de confinement devrait nous coûter 3 points de PIB.


Pourrait-on éviter ces conséquences dramatiques ?

Sans doute pas totalement, mais certainement en partie si nous sommes capables :

  • d’éviter les effets cumulatifs de la récession
  • et de combattre l’affaissement de la courbe de demande globale.
frise article mondialisation

Selon l'ancien directeur général du FMI, pour éviter les conséquences sociales et humanitaires de la crise économique qui est d’une ampleur mondiale, il convient de mener les actions monétaires suivantes :

  • « inonder le marché de liquidités » en ayant recours à l’émission massive des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du FMI – rôle de la FED et de la BCE,
  • alléger la dette des pays à bas revenus.

Toutefois, il précise que l’action monétaire a ses limites et par conséquent il est important d’envisager le dispositif de soutien dans sa globalité en soutenant l’appareil productif même si cela génère une hausse des prix pour contrer une capacité de production limitée due au confinement.


Pourquoi ?

« Parce qu’on ne peut soutenir l’offre en ne finançant que l’offre »

Quant aux mesures de soutien de la demande, elles ne pourront s’appliquer que lorsque le confinement sera progressivement levé, pour permettre à la production de repartir.

Comme nous venons de le voir, la réactivité est un facteur de rebond. c’est pourquoi il est nécessaire que les mesures de soutien de la demande soient en œuvre tout de suite et permettre de combattre l’angoisse des consommateurs qui ne peut que les pousser à thésauriser ce qui est l’inverse de ce qui est souhaitable.


La crise sanitaire agit comme un révélateur

  • La mondialisation des échanges, la division internationale de la production et du travail sont remis en cause encore plus fortement et il est fort probable que la crise conduise à des formes de relocalisation de la production, régionales sinon nationales mais cette relocalisation de la production aura un coût. Au-delà des formes que prendra la mondialisation, la crise peut permettre aux économies développées de sortir de l’impasse dans laquelle la croissance économique s’est perdue. DSK analyse comment les crises économiques passées, détruisant du capital » ont pu fournir une voie de sortie pour les économies peu ou prou développées en situation de stagnation.
  • Les opportunités d’investissement créées par l’effondrement d’une partie de l’appareil de production, comme l’effet sur les prix de mesures de soutien, peuvent relancer le processus de destruction créatrice décrit par Schumpeter où « son entrepreneur » gagnerait alors sur le terrain, la bataille théorique qu’il avait engagée, il y a longtemps, aussi bien contre les stagnationnistes optimistes comme Keynes que pessimistes comme Marx.
  • C’est ce renouveau de l’offre rendu possible par un choc aussi violent qui justifie les mesures prises par les gouvernements en faveur du secteur productif. Elles seront dérisoires sans mesures de court terme sur la demande, mais indispensables à la reconstruction de l’appareil de production.
  • Un autre élément doit retenir l’attention : celui des inégalités. Au niveau national, certaines professions peuvent travailler -au moins en partie- à domicile, pour d’autres c’est beaucoup plus difficile voire impossible demandant un soutien accentué des salariés les moins qualifiés. Au niveau international, l’accent a beaucoup été mis ces dernières années sur le fait que si la crise des « subprimes » avait eu pour conséquence une considérable augmentation des inégalités entre individus, en revanche les inégalités entre pays, elles, diminuaient régulièrement. La crise actuelle risque de remettre totalement en cause ce constat. À court terme, en raison des conséquences possibles, et même malheureusement probables, de la crise sur les économies de nombres de pays à bas revenus. À moyen terme, parce que la relocalisation de certaines activités, qui a une grande probabilité de se réaliser, se fera à leurs dépens. C’est ce qui rend encore plus indispensable le soutien de ces économies qui a déjà été évoqué.
  • L’avenir économique, difficile dans tous les cas, est largement entre nos mains. L’Union européenne a la possibilité, et selon DSK le devoir, de fournir des éléments de réponse notamment sur le point principal de la mutualisation budgétaire entre les États membres pour pouvoir mener une action significative. Trois instruments sont en cours de discussion au sein de l’Eurogroupe sans apporter de réponse à la question de constituer un  budget mutualisé afin de ne pas mettre en péril la soutenabilité de la dette des pays les plus fragiles qui renvoie au débat sur la création des coronabonds et, plus généralement, sur la capacité d’emprunt de l’Union dont l’absence se fait aujourd’hui cruellement sentir. C’est également un enjeu politique : la BCE ne pourra pas longtemps mutualiser les dettes par le truchement des opérations de marché sans qu’un soutien politique explicite se manifeste.
     

En synthèse, ce qu’il nous faut dès maintenant à l’échelle de la nation :

  • des plans de soutien de la demande de l’ordre de grandeur de la perte de production (environ 8 points de PIB pour 2020 seulement). Ceux-ci doivent reposer, pour les ménages comme pour les entreprises, sur de véritables soutiens à leur liquidité par des mesures fiscales et budgétaires ;
  • une coordination de ces politiques avec les actions menées par les banques centrales en matière monétaire ;
  • un instrument de mobilisation de ressources budgétaires et d’endettement commun en Europe. Sans mutualisation, la réponse budgétaire sera insuffisante ;
  • une action concertée au niveau international incluant l’extension de cette liquidité au-delà des pays développés.


A l’échelle de l’entreprise, c’est disposer d’un dispositif complet pour permettre de résister, préparer et sécuriser le plan de relance de votre entreprise.


«Sortir du confinement pour rebondir »

Toutes les entreprises se préparent mais élaborent-elles une démarche propre pour s’approprier les nouvelles règles du jeu, pour se renouveler et se redonner des perspectives ?

Chaque entreprise travaille sur ses prévisions de trésorerie et considère les options de financement à disposition, mais elles sont moins nombreuses à avoir mis en place un dispositif complet pour sécuriser le cash disponible et dégager des ressources financières.      

Les défis du rebond avec comme enjeu, pour les entreprises, la nécessité de disposer et de s’appuyer sur des outils d’analyse adaptés pour comprendre les bouleversements, analyser et agir, mais aussi pour identifier les leviers qui nourriront les succès de demain.

  • Information – KPI métier – notation, score, limite de crédit, comportement de paiement, analyse financière …
  • Financement,
  • Plus qu’une solution métier une plateforme permettent le pilotage de l’activité avec des fonctionnalités et des services intégrés.
Chapter 1

Une crise du pouvoir...

...mettant en évidence toute forme de dépendance que, par ignorance ou par fierté nationale, nous avons tendance à sous-estimer.

La fragmentation de la mondialisation que la crise a toutes les chances de provoquer constitue une occasion inespérée de reprendre les rênes et de retrouver une vision politique, une indépendance de production dans l’industrie, le numérique, la technologique …..

Il fallait un choc pour que la véritable nature de l’Union ressurgisse ; celle d’un refus d’abandonner des valeurs collectives et un modèle de société qui définissent une identité. C’est cette identité qui s’est fondue dans la mondialisation, c’est elle qui peut renaître de sa fragmentation.

En d’autres termes, non seulement la sortie de crise pourrait marquer un affaiblissement de la légitimité des autorités publiques dans les démocraties, mais en même temps un raffermissement du pouvoir dans les autocraties.

Masi des questions subsistent sur le comment, sans doute entrons nous dans un autre monde.


Une autre économie : le retour des régulations ?

La période actuelle est celle du désordre et la question se pose évidemment de savoir dans quelle direction nous nous orienterons lorsque la crise sanitaire sera jugulée.

Nous connaissons depuis près de deux siècles une succession de phases organiques au cours desquelles un mode d’organisation de l’économie et de la société domine et des phases critiques pendant lesquelles ces régulations s’essoufflent puis s’évanouissent, pour céder la place à d’autres. La dernière grande régulation collective a été celle de l’État providence. Qu’elle se soit épuisée ne fait plus de doute. Et malgré un léger balbutiement au lendemain de la crise des « subprimes », rien n’est venu la remplacer.

Ces régulations n’épargnent aucune des activités humaines, mais au-delà de l’espace classique de la coopération économique, il y a plusieurs domaines où la nécessité de la régulation s’impose comme l’organisation sanitaire.

La crise sanitaire crée peut-être aussi l’opportunité d’une mobilisation nouvelle pour lutter contre le changement climatique, pour préserver l’environnement et en particulier la biodiversité, pour lutter contre la destruction des écosystèmes par la pollution.


Un autre paradigme :

  • Un changement de la relation entre les États : quel nouvel équilibre géopolitique ?
 
Si l’espoir doit demeurer que la crise soit à l’origine d’un renouveau de la coopération au niveau mondial et européen, il est important de scruter ses conséquences plus immédiates sur les relations internationales.
La première découle du vide de puissance que la focalisation sur la crise sanitaire des principaux gouvernements va rendre chaque jour plus visible. Tant qu’ils sont, comme tous, submergés par la pandémie, les groupes armés semblent avoir choisi le repli. Mais dès que les conditions le permettront, nul doute que les conflits repartiront alors même que les grands acteurs de la vie seront surtout concernés par leur situation domestique. On peut craindre que ce soit le cas, en Syrie comme en Lybie au Sahel comme au Yémen. D’autant que de nombreux États ébranlés par la crise auront encore plus de difficulté que par le passé à exercer leurs responsabilités régaliennes.

Dans ce contexte, il est probable que la tentation soit forte pour certains États d’accroître leur influence internationale.


« C’est donc bien une fragmentation de la mondialisation qu’il est raisonnable d’attendre et ce peut être la chance de l’Europe si elle sait se ressaisir »

  • La crise de l’être conduira-t-elle à un changement de la relation entre les hommes ? Il s’agit d’un effort de guerre de long terme, mais également, d’une réintégration dans les consciences collectives, de la permanence d’un risque pandémique infectieux. Face à une menace aussi structurante et aussi universelle, il est probable que nous assistions à un changement profond des préférences collectives.
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Conclusion

Pour que le régime de transparence individuelle que l’on pressent ne se transforme pas en société de défiance, les pouvoirs publics se doivent de jouer un rôle actif, opter pour un positionnement public ferme et doit constituer le socle d’un nouveau « système providentiel » sur lequel asseoir une confiance et un pacte citoyen renouvelé.

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