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Analyse des procédures collectives : juin 2025

Analyse 2020-2025

7 min.
02/07/2025
nombre d'entreprises par début de trimestre

En juin 2025, la France atteint un point de rupture économique avec 7 396 procédures collectives, un niveau parmi les plus élevés jamais enregistrés. Ce chiffre s’inscrit dans une tendance lourde : près de 49 000 défaillances sur le premier semestre, soit une projection annuelle proche des 97 000, niveau record. Loin d’un accident conjoncturel, il s’agit d’une crise structurelle systémique : fin des soutiens publics post-COVID, pression inflationniste persistante, resserrement brutal du crédit, et explosion des charges pèsent sur des entreprises déjà fragilisées. Les secteurs clés – commerce, BTP, hôtellerie-restauration, transport – subissent de plein fouet un effet ciseaux entre marges écrasées et coûts croissants. Le tissu économique est en phase de désintégration progressive, masquée par des effets statistiques trompeurs. Le risque est désormais macroéconomique et social, avec plusieurs centaines de milliers d’emplois menacés, des bilans bancaires dégradés et un cycle du crédit en phase de contraction. Le pilotage traditionnel ne suffit plus : l’urgence impose des mesures ciblées, proactives et coordonnées pour éviter une destruction massive de valeur. Sans réaction rapide, 2025 pourrait devenir l’année noire des entreprises françaises.

nombre d'entreprises par secteur

Depuis 2020, Les secteurs du Commerce/réparation automobile (21%) et de la Construction (21%) concentrent à eux seuls 42% des procédures collectives, révélant une vulnérabilité critique de l'économie "physique" face aux chocs conjoncturels. L'Hébergement-restauration (13%) complète le trio de tête, confirmant les difficultés persistantes du secteur post-COVID malgré la reprise touristique. Cette concentration sectorielle suggère des facteurs structurels spécifiques (surendettement, hausse des coûts, changements de consommation) plutôt qu'une crise généralisée, offrant des leviers d'intervention ciblée pour les pouvoirs publics. La relative préservation des secteurs technologiques et de services confirme une dualité économique entre activités traditionnelles en difficulté et nouvelles économies plus résilientes. Cette concentration perdure en juin 2025. 

nombre d'entreprise par type de procédure

La liquidation judiciaire domine massivement avec 46% des cas, révélant que près de la moitié des entreprises en difficulté sont dans une situation irréversible sans possibilité de redressement. La liquidation judiciaire simplifiée (36%) confirme cette tendance dramatique, touchant principalement les TPE/PME dont les actifs sont insuffisants pour couvrir les frais de procédure. Le redressement judiciaire ne représente que 14% des procédures, illustrant la faiblesse des tentatives de sauvetage et suggérant que les entreprises arrivent trop tard dans les dispositifs d'aide. Cette répartition traduit un échec systémique de la détection précoce et du traitement préventif des difficultés, avec 82% des procédures aboutissant à une destruction pure de valeur économique et d'emplois.

nombre d'entreprises par région

L'Île-de-France concentre dramatiquement 62 000 défaillances, soit près d'un quart du total national, révélant une crise particulièrement aiguë dans le moteur économique français malgré sa diversification sectorielle. Les régions Auvergne-Rhône-Alpes (31k) et PACA (28k) complètent un trio de tête qui totalise à lui seul 40% des procédures collectives nationales, suggérant une corrélation entre densité économique et ampleur des difficultés. Cette concentration géographique traduit probablement des effets d'agglomération négatifs (coûts immobiliers, concurrence accrue, dépendance aux chaînes d'approvisionnement) qui amplifient les chocs économiques dans les zones les plus dynamiques. Paradoxalement, les territoires économiquement les plus performants subissent proportionnellement les plus lourdes pertes, questionnant la résilience des modèles métropolitains hyper-concentrés.

nombre d'entreprises par taille d'entreprise

En partant des effectifs, les TPE représentent 94% des défaillances (256 183 sur 274 250 total), confirmant que la crise frappe massivement le tissu des très petites entreprises, souvent sous-capitalisées et vulnérables aux chocs de trésorerie. Les PME ne représentent que 6% des procédures (17 788), mais leur impact économique et social est disproportionné en termes d'emplois détruits et de chaînes de valeur rompues. La quasi-absence des ETI (232) et grandes entreprises (47) dans les statistiques illustre leur capacité de résistance supérieure grâce à leurs fonds propres, accès au crédit et diversification des activités. Cette répartition révèle une fracture structurelle où les TPE, pourtant essentielles au dynamisme territorial et à l'emploi de proximité, sont sacrifiées faute d'accompagnement et de moyens financiers adaptés à leur fragilité intrinsèque.

nombre d'entreprise par catégorie et par année

Il ne faut cependant pas oublier que sur la période 2020-2023, on observe une croissance spectaculaire du nombre d’entreprises suivies, avec une explosion notable chez les PME qui passent d’environ 239 en janvier 2020 à plus de 743 en juillet 2023, soit une hausse de +211 % sur 3 ans. Les ETI connaissent également une progression importante, passant de 5 à 18 entreprises (+260 %), tandis que les Grandes Entreprises (GE) affichent une évolution plus modérée, avec un effectif relativement stable autour de 3 à 6 unités (+50 %).

Le trimestre est un pivot dans la segmentation, avec des pics de croissance nets au début de chaque année et au printemps, notamment sur les PME qui enregistrent des hausses trimestrielles supérieures à +20 % en moyenne sur 2023. Les ETI suivent ce mouvement avec des variations trimestrielles pouvant atteindre +50 %, signe d’une structuration progressive vers des acteurs plus matures.

La montée en puissance des PME est le principal moteur d’expansion des défaillances, elles représentant plus de 90 % du total des entreprises hors-TPE en 2023, contre 85 % en 2020. Cette dilution relative des ETI et GE souligne un basculement des défaillances sur un univers plus vaste mais aussi plus fragmenté, avec des enjeux spécifiques de gestion du risque et de fidélisation adaptée à la diversité des profils.

Nombre d'entreprise par tranche de CA majeure et par année

Sur la période 2020-2025, sur les entreprises avec un bilan au moins, les procédures collectives ciblant les entreprises de taille intermédiaire (2-10M€ de CA) connaissent avec une progression du nombre de cas de 164 à 319, soit une augmentation de près de 95 %. En parallèle, les entreprises à plus de 10M€ de CA, bien que moins nombreuses, voient également leur nombre de procédures progresser avec une légère hausse de 35 à 65 cas, soit +85 %. Cette augmentation des difficultés sur les PME intermédiaires illustre un signal fort de vulnérabilité structurelle dans cette tranche, soulignant l’urgence d’un suivi ciblé pour anticiper les risques sectoriels et renforcer la prévention financière.

Médiane de solvabilité, de croissance et de marge nette par début de trimestre

Entre 2020 et 2025, la santé financière des entreprises en procédures collectives montre une trajectoire contrastée : après un pic de fragilité en 2021-2022 avec une solvabilité médiane tombée à un plancher proche de 2 %, des marges nettes très négatives (-2 à -3 %) et une croissance médiane quasi nulle voire négative, la tendance s’inverse progressivement dès 2023. En 2025, on observe un retour à une solvabilité médiane plus robuste autour de 7-9 %, une stabilisation de la croissance à zéro et une nette amélioration du résultat net médian, qui tend vers le positif. Ce rebond témoigne d’une résilience croissante des entreprises en difficultés, probablement soutenue par des mesures de restructuration plus efficaces et un contexte économique plus favorable, bien que les marges restent globalement compressées. Cela se révèle cependant contextuellement peu suffisant. 

Dette globale médiane, délai client médian, délai fournisseur médian, rotation des stocks médiane et trésorerie médiane par début de trimestre

En 2025, les entreprises en défaillance présentent une structure financière sous haute tension, marquée par un effondrement progressif de leurs équilibres d’exploitation. Le DSO (délai client médian) tombe à 18 jours au T2, contre encore 22 jours en fin 2024, signe d’un encaissement forcé ou d’une chute des ventes à crédit. Le DPO (délai fournisseur médian) reste élevé à 65 jours, traduisant une incapacité persistante à régler les dettes commerciales, voire une dépendance critique au crédit interentreprises. La rotation des stocks, elle, se maintient autour de 53 jours, ce qui reflète une difficulté à écouler l’inventaire malgré les tensions sur la trésorerie. En parallèle, l’endettement global médian (hors capitaux propres) reste élevé à 213 jours de CA, confirmant que ces entreprises évoluent en survie prolongée sous perfusion de dettes. L’ensemble dessine le portrait d’un tissu économique exsangue : déséquilibré, désolvabilisé, mais encore temporairement maintenu à flot par ses partenaires.

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