Situation des comportements de paiement en France avec un focus sur la région Grand-Est

Dans la présentation complète pour les Assises Des Délais de Paiement à Strasbourg le 1er juin 2023, nous avions prévu de faire un état de la situation au niveau national puis de nous pencher sur la situation régionale concernant le Grand Est.

Du point de vue national, nous couvrons 1 374 438 entreprises, soit le panel d'entreprises effectuant leur publication annuelle des comptes sociaux, qui s'élève entre 1 400 000 et 1 600 000 entreprises chaque année. La balance âgée couverte concerne 3,8 milliards d'euros pour 55 millions de factures. À l'heure actuelle, sur l'ensemble des régions de France, le retard de paiement médian est de 1 jour. Tout en montrant qu'une part significative de la population règle à la date d'échéance, cela démontre aussi que la majorité de la population est effectivement en retard. Ce retard est actuellement de 9 jours en moyenne.

Il est intéressant de noter que, par secteur, ceux qui sont les plus concernés par les risques de défaillance ne sont pas les secteurs ayant les comportements de paiement les plus dégradés en moyenne. Ainsi, l'hébergement restauration et le commerce, ainsi que la construction, qui sont parmi les secteurs les plus impactés avec le transport et l'entreposage, ont tous un comportement de paiement médian à un jour. Cependant, les secteurs plus lourds comme l'industrie ou considérés comme plus porteurs comme l'information et la communication ou l'immobilier, voire la finance, ont des comportements de paiement qui commencent à montrer des signes de retard avéré. Enfin, les secteurs liés à l'énergie et à l'administration publique affichent les comportements de paiement les plus dégradés.

L'explication dans ce cadre est à chercher au niveau de la concentration capitalistique des acteurs. En effet, de manière symptomatique, les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises ont tendance à régler de manière plus tardive, avec une médiane et une moyenne s'étirant entre 10 et 12 jours de retard. C'est une vision qui est aujourd'hui corroborée par l'ensemble des organismes capables de remonter le comportement de paiement en France.

Du point de vue régional, si la région Grand-Est a bien une médiane à un jour, comme l'ensemble des autres régions françaises, les départements montrent quant à eux une légère disparité, notamment la Moselle qui a un comportement médian de retard de paiement à 2 jours. Cela peut sembler anecdotique, mais d'un point de vue statistique sur l'ensemble de la population, cela montre que c'est un département qui souffre globalement de sa désindustrialisation et du ralentissement économique qu'il a vécu. Le comportement remonté sur la région couvre plus de 88 000 entités.

Du point de vue sectoriel, la région montre une situation globalement analogue au niveau national, même s'il y a de légères disparités, notamment concernant la construction ou le transport et l'entreposage. Ce qui a pour but de montrer que le territoire fait face aux mêmes défis en cohérence avec le territoire national.

Enfin, et même si cela a été évoqué verbalement lors des assises des délais de paiement, nous souhaitions revenir sur l'analyse du délai fournisseur calculable au bilan. Sur l'ensemble des bilans 2022 disponibles pour la région, soit 27 232 entreprises, ces bilans démontrent que globalement les entreprises souffrent d'un délai fournisseur calculable qui impacte leurs performances car il est supérieur à 30 jours. Ce comportement fournisseur suspecté va s'étaler rapidement entre 30 et 45 jours, voire dépasser les 45 jours pour certains secteurs. Arrivé à 60 jours exprimés de chiffre d'affaires, cela devient problématique, voire toxique pour l'entreprise. Cela d'autant plus si l'entreprise concernée dispose de peu de trésorerie calculable en jours de chiffre d'affaires, bien souvent moins de 15 jours ouvrés. Et cela devient d'autant plus dangereux si, comme c'est trop souvent le cas, la société se retrouve avec un ratio de liquidité restreint inférieur à 1, ce qui l'obligera à puiser dans ses réserves.

L'intérêt de confronter le comportement de paiement aux délais fournisseurs calculables au bilan est de démontrer qu'il y a une différence entre le comportement réel sur le terrain d'une entreprise, qui correspond plus à des attentes du type RSE ou ESG. Cela est un motif de bonne entente d'un point de vue commercial, mais aussi responsable du point de vue de la préservation de la trésorerie des sociétés avec lesquelles on travaille. Le délai fournisseur calculable est un critère indicateur de problématiques de performance qui, cumulé avec un manque de disponibilité, peuvent entraîner une entreprise vers des difficultés certaines. Le comportement de paiement apparaît comme une problématique externe, là où le délai fournisseur calculable apparaît comme une problématique interne à résoudre pour l'entreprise.