Data & Risque Client

Le DAF de 2024 est un Business Partner transverse et stratège

Interview de Richard Lacroix

7 min.
27/02/2024
Portrait de Richard Lacroix

Richard Lacroix
Executive Search Partner - FItch Bennett Partners

Professionnel expérimenté dans les secteurs internationaux, il se consacre au développement humain en offrant un coaching bénévole et en promouvant les valeurs de service et de progrès. Il souligne l'importance pour les dirigeants de s'entourer de personnalités adaptées et prévoit que le capital humain sera central dans les préoccupations futures des entreprises, avec un accent sur la qualité de vie au travail et la responsabilité sociétale.

Le DAF de 2024 est une Business Partner transverse et stratège.


Richard Lacroix
Executive Search Partner - FITCH BENETT Partners
Chapter 1

Interview - partie 2 sur 3

27/02/2024

CREDITSAFE : Dans la 1ere partie de notre interview, vous évoquez l’évolution du rôle et des champs de compétences des DAF avec une responsabilité qui se renforce face à des normes et des risques qui se multiplient. Peut-on parler d’une position de Business Partner pour les DAF auprès des dirigeants ?

RICHARD LACROIX : Tout à fait mais là encore, le DAF de 2024 n’est plus le Business Partner qu’il a pu être par le passé. Si je prends mon expérience personnelle, on attendait du DAF qu’il soit imaginatif et créatif dans l’application des normes comptables, par exemple en matière de reconnaissance de revenus des contrats commerciaux dans le secteur de l’édition de logiciels, pour maximiser les résultats à annoncer au marché financier.

Or il me semble que ces dernières années, il y a beaucoup moins de marge de manœuvre pour les DAF car les cadres règlementaires se sont extrêmement complexifiés et rigidifiés. Reprenons l’exemple du secteur de la santé : le Sunshine Act et la loi Bertrand ont encadré de façon tellement drastique toutes les pratiques visant à rémunérer des apporteurs d'affaires, des prospects ou des clients que l’entreprise ne pouvait même plus inviter à déjeuner un médecin pour un montant supérieur à 10 €, ce qui excluait même le McDo !

Donc beaucoup plus de surveillance, beaucoup plus de transparence et donc beaucoup moins de flexibilité. Pour un DAF, l’accroissement des normes est un facteur très contraignant qui l’oblige à trouver de nouvelles solutions. Le DAF de 2024 reste un Business Partner du dirigeant et des directions opérationnelles métiers mais, pour trouver des solutions, il doit aujourd’hui davantage s’entourer et orchestrer d’autres compétences que la sienne seule.

CREDITSAFE : Compte tenu de la complexité croissante des normes, le DAF doit donc savoir s'entourer de plus en plus, orchestrer et coordonner des spécialistes.

RICHARD LACROIX : Oui et des spécialistes dans tous les domaines. Le juridique bien sûr, la fiscalité aussi avec par exemple les questions liées aux prix de transfert, qui eux-mêmes auront des impacts importants sur les business models et les marges de l'entreprise. Des spécialistes en matière de droit du travail parce que le DAF a son mot à dire en partenariat avec les RH sur les types de contrats de travail à mettre en place, sur les modèles et règles de commissions des commerciaux, sur les contrats avec les prestataires extérieurs à la société par exemple les sous-traitants.

En fait, le DAF doit veiller à tous les types de risques, et pour cela se faire accompagner selon le niveau de risque. Les actionnaires et les dirigeants de la société ne lui pardonneront pas un manque d’anticipation et de couverture du risque.

Si on revient à ce rôle de Business Partner, au-delà de la question des risques, je note aussi que les dirigeants attendent également du DAF de bien connaître le secteur d'activité de l’entreprise, à savoir ses acteurs, ses tendances d’évolution, ses contraintes, ses pratiques, de savoir dialoguer avec les fonctions opérationnelles, de s'y intéresser avec sincérité. Souvent, dans mes missions de chasse, on me demande un profil avec un certain vernis technique, que le candidat ait une réelle appétence pour tel ou tel secteur d'activité. Et c’est très compréhensible également parce que le DAF représente l’entreprise auprès de nombreux tiers : il est amené à parler au fisc, à l'inspection du travail, aux banquiers, aux actionnaires et investisseurs...

Le DAF peut et doit aussi aider sur des relations clients, notamment sur les grands comptes, par exemple pour fixer et négocier des clauses de garanties ou des remises de fin d’année. Au même titre, il peut aider sur les relations fournisseurs également. Donc le DAF doit assumer son rôle de Business Partner sur tous les axes et vis à vis de tous les tiers. Et son rôle de communicant ne peut en aucun cas se limiter aux chiffres ; il doit les rendre légitimes et convaincants grâce à sa compréhension et à son analyse du business. 

Face à une complexité et à une diversité croissante des risques, le DAF ne doit pas être parfait mais il doit être complet.


Richard Lacroix
Executive Search Partner - FITCH BENETT Partners

CREDITSAFE : Un Business Partner qui doit composer avec plus de risques aujourd’hui qu’auparavant selon vous ?

RICHARD LACROIX : Pour moi, le DAF doit effectivement faire face à beaucoup plus de risques aujourd’hui, et savoir les anticiper. Les risques qui ont été liés au Covid par exemple avec des stocks de produits pharmaceutiques à écouler par la suite. Les risques liés aux conflits armés en Europe, avec des enjeux monétaires et opérationnels sur les supply chains, comme les tensions sur les approvisionnements en matières premières ou en produits semi-finis ou finis, dont les prix ont parfois été multipliés par 1000 comme ce fut le cas de certaines puces électroniques.

Le DAF doit donc épauler la direction Achats dans un contexte de crise pour trouver d'autres fournisseurs, pérennes et fiables, au-delà du trio classique des attentes « qualité - coût - délai ». Ajoutons pour les DAF en France les conséquences financières du plan de relance de l'économie de 100 milliards d’euros, dont on sait aujourd'hui que beaucoup de sociétés peinent à rembourser leurs prêts. On pourrait reprendre ainsi tous les postes d'actif et de passif du bilan, et constater d’après moi qu’il y a plus de risques à gérer aujourd'hui pour un DAF.

Enfin, le risque qui se développe très vite et dont on parle modérément pour ne pas être trop anxiogène : le risque informatique, avec des attaques aujourd’hui permanentes, qui menacent les données, les ressources et les capacités opérationnelles des entreprises, et augmentent considérablement les coûts avec des services de cybersécurité, du matériel plus puissant, des assurances, etc….

CREDITSAFE : On parle de gestion des risques et d’anticipation. Le DAF a toujours eu un ADN d’anticipation puisqu’il établit des plans budgétaires, des prévisions financières… Dans le contexte d’incertitudes que nous connaissons, cette qualité d’anticipation ne relève-t-elle pas plus de capacité d’analyse prospective ? C'est-à-dire la capacité à imaginer différents scénarios et à prévoir les réponses possibles dans chacun des cas ?

RICHARD LACROIX : Le métier de DAF s’appuie forcément sur des capacités d'anticipation et donc sur une démarche d’hypothèses, construites en collaboration avec les métiers de l’entreprise, le directeur commercial, le directeur technique, le directeur R&D…  Que ce soit pour établir un budget, une prévision d’atterrissage de résultat ou de trésorerie, un business plan, un impairtment test, Le DAF doit produire au minimum deux scénarios : un scénario optimiste et un scénario pessimiste, voire aller beaucoup plus loin. Notre contexte économique incertain renforce clairement cette dimension d’anticipation et souligne les qualités indispensables du DAF évoquées jusqu’ici.

Plus le DAF se comportera en Business Partner, via une collaboration accrue avec les métiers de l’entreprise et une connaissance optimale de son secteur d’activité, et plus il sera capable d'imaginer et donc d’anticiper les changements pour préserver au mieux les ressources de l’entreprise et accompagner du mieux possible ses performances. Il doit aider à bâtir une croissance rentable et pérenne.

J’ajoute que le contexte actuel se traduit aussi par une pression accrue des actionnaires, banques et investisseurs : le DAF doit pouvoir accompagner le dirigeant ou le directeur commercial dans ces réunions mais il doit aussi être capable de mener l'entretien seul et de répondre sur les enjeux opérationnels de l’entreprise.

Le digital est au coeur de la performance des DAF de 2024.


Richard Lacroix
Executive Search Partner - FITCH BENETT Partners

CREDITSAFE : Ces capacités d’anticipation et d’accompagnement supposent d’être bien outillé. Les métiers de l’entreprise ont tous engagé leur digitalisation, et la direction financière n’y a pas échappé. Le DAF de 2024 subit-il cette transformation digitale ou bien la pilote-t-il ? L’appétence au digital est-elle un critère pour le recrutement des DAF ?

RICHARD LACROIX : Quand je demande à des candidats sur des postes de DAF si, parmi leurs missions, ils aimeraient piloter, le déploiement d'un nouvel ERP, un sur deux me répond : « Je l'ai déjà fait, je sais faire, j'ai bien aimé, c’est essentiel pour l’entreprise, mais c'est très chronophage. Je préfèrerais faire autre chose. » Un engouement très relatif donc mais une réelle conscience du caractère indispensable des outils digitaux pour un pilotage efficace. Certains sont fans de data, d’automatisation et parfois-même de Power BI mais c’est une minorité. En revanche, je rencontre de plus en plus de profils déjà convertis à l'intelligence artificielle, qui pour certains utilisent Chat GPT pour bâtir leurs fichiers Excel complexes.

Quand on voit les success story de fonds d’investissements ou de business models grâce aux dernières technologies de l’information appliquées aux domaines financiers, on ne peut pas nier la puissance du digital. Le DAF de 2024 ne peut pas faire l’impasse.

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